Les voyageurs sont devenus une foule immense, chacun portant des motivations au voyage, des destinations et une conception du dépaysement qui lui est propre. Voici en quelques mots, les miennes.
Je suis en fait fasciné et attiré par les civilisations anciennes et les traces qu’elles ont pu laisser sur leurs terres : la Grèce, l’Italie, la Palestine, l’Egypte, la Turquie, l’Inde, le Mexique, le Pérou, le Japon, la Chine… Ce sont ces destinations que je privilégie.
Mais la roue tourne, comme la vie. Toutes les civilisations ont une fin et sont relayées ou envahies par d’autres. Les peuples qui aujourd’hui occupent ces espaces m’intéressent tout autant. C’est la raison pour laquelle avant de partir et pendant mon séjour, je lis des livres d’histoire, de géographie, des essais, des romans aussi, y compris policiers, car ils rendent compte souvent, pour peu qu’ils soient de qualité, de la vie des gens d’aujourd’hui.
Je suis aussi fasciné par les langues lointaines. C’est un goût que j’ai attrapé jeune. A l’époque, dans les années 70, imprégné par l’air du temps, je côtoyais des milieux « révolutionnaires » ou qui pensaient l’être. Mais lorsque je suis arrivé en Afrique pour un séjour qui allait durer presque deux ans, je me suis rendu compte que ce sont les civilisations qui sont révolutionnaires les unes vis-à-vis des autres, tant leurs conceptions de la vie, des relations (aux voisins, aux étrangers, à l’autre sexe…), à la nature, à l’invisible, au bien et au mal… différaient. Je le voyais en vivant auprès de paysans Bandas ou d’éleveurs Mbororos et en les écoutant. Mais la langue Sango qu’alors j’avais apprise et parlais couramment était elle-même porteuse de façons étranges de parler, en résonance avec la philosophie de vie de ces gens.
Malheureusement, apprendre une langue, surtout lointaine, cela prend des années lorsqu’on ne vit pas sur place. Aussi me suis-je limité à cinq d’entre elles que je ne maitrise d’ailleurs pas (sauf peut-être la première, mais que j’ai pour l’essentiel oubliée !) : le Sango, le Grec ancien, l’Hébreu biblique, le Japonais et le Chinois contemporain. En fait, ce n’est pas tant les apprendre qui m’intéresse que de comprendre comment elles fonctionnent et pourquoi. Qu’est-ce qu’elles nous disent d’étrange, de quelle conception de la vie elles sont porteuses, souvent à l’insu de ceux qui la parle.