Voici une troisième lettre depuis Taipei. Le format Instagram est une sévère contrainte, mais son côté miscellanées est un avantage quand on voyage.
Bonne lecture (de 1/7 à 7/7, la première – celle-ci – étant en bas de la pile) !
Taipei 101, le gratte-ciel aux 101 étages
Il faut avouer qu’il a de la gueule ce gigantesque épi aux reflets bleutés. C’est le plus bel immeuble de Taipei, qu’il domine du haut de ses 508 mètres. Il joue d’ailleurs, dans la promotion de la ville, le même rôle que la Tour Eiffel : il figure dans toutes les brochures comme sa métonymie.

En 2004, quand il a été inauguré, c’était le plus grand édifice jamais construit sur terre. Il a été depuis largement dépassé par la folie des grandeurs qui arraisonne les esprits de tous côtés : à New York (540 m), Séoul (560 m), Shanghai (630 m), Tokyo (630 m), jusqu’aux 830 m de Dubai en 2010 !
La moutarde va t elle à nouveau monter jusqu’au nez de Yahvé, lui qui a multiplié les langues afin que les ouvriers de Babel ne puissent plus se comprendre et que la tour qu’ils édifiaient ne rejoigne jamais le ciel ?
Taipei 101, l’ingénieuse stabilisation
Ces bandaisons de pénis, tendus toujours plus haut vers le ciel, ont évidemment quelque chose de vain et ridicule. Mais il faut reconnaître que ce sont d’étonnantes prouesses techniques que n’ont pas celles de chair.
Pendant l’été d’impressionnants typhons peuvent balayer l’île de Taïwan et frappent régulièrement la tour. Il est alors bien difficile de ne pas avoir le mal de mer à son sommet… Mais les architectes y ont veillé. Ils ont introduit un énorme pendule qui occupe les derniers étages de la tour. Par inertie, celui-ci vient contrarier les mouvements du bâtiment et l’empêcher de divaguer. Esthétique, ingéniosité et folie des grandeurs sont ainsi intimement mêlés…
(explication animée, dans le film qui suit)
Le chinois, langue lointaine
Lorsqu’on apprend une langue européenne, on est confronté à quelques étrangetés, mais on reste bien accroché à la même culture, au même monde que le nôtre. En revanche, apprendre le chinois, c’est déjà entreprendre un grand voyage : dans cette langue, on est aussi dépaysé que dans le monde matériel où elle s’est incarnée, ses paysages ou ses visages.
Par exemple : l’ordre des mots y est souvent impératif. On commence par indiquer le temps, puis le lieu, en allant du plus grand au plus petit. Ensuite seulement, on va indiquer le thème et développer son propos. C’est ainsi incrusté dans la langue que le contexte, les conditions sous lesquelles les choses se passent, est donné en premier. Pas étonnant que les penseurs de l’antiquité chinoise en aient fait un élément majeur de leur philosophie, eux qui insistent pour nous rappeler que c’est sous le Ciel que nous vivons et que l’enjeu pour les hommes, c’est d’agir en accord ou en résonance avec lui.
(Évidemment, parler du chinois en 2200 caractères oblige à quelques saisissants raccourcis… J’y reviendrai)
A Taipei aussi, la finale de la Coupe du monde…
Beaucoup de monde au Parc Maji, cette nuit-là. Un grand écran avec une foule impénétrable devant et quelques autres plus accessibles autour des cafés. Nous nous étions donnés rendez-vous là entre co-apprenants, Valery, une Péruvienne qui supportait l’Argentine, Shugar un Singapourien trop diplomate pour afficher une préférence, et moi.
Je n’ai pas vu grand-chose, nous étions mal placés, mais il y avait de l’ambiance, nettement en faveur de l’Argentine là où nous étions. Même un Belge, derrière moi, ne cachait pas sa joie. Au début, j’ai crains la déculottée, mais les Français se sont réveillés de leur torpeur au bout d’une heure. Quelle fin de match !
Le lendemain, je l’ai regardé en différé sur mon téléphone, sans la tension de la veille. Finalement, les Argentins méritent leur victoire si on compte les points comme à la boxe : plus de maîtrise, plus de constance, plus de duels gagnés, plus de tirs cadrés… Les Français ne sont pas passés à côté de leur match, mais il s’en est fallu de peu !
Des vœux en forme de calendrier chinois
En 2023, le nouvel an chinois se fêtera le dimanche 22 janvier 2023 et le lapin remplacera le tigre. Je ne connais rien à l’astrologie, qu’elle soit chinoise ou occidentale, mais rien n’interdit de prendre comme une bonne nouvelle ce changement. Le tigre russe aura en effet été bien cruel en 2022 en se jetant sur l’Ukraine pour tenter de lui arracher un à un ses membres. Ne réussissant pas dans son entreprise, peut-on espérer qu’en 2023, il se transforme en lapin et, dans une perspective pacifique, se contente de carottes ? Ce sera mon premier vœu car la paix est notre bien commun suprême. Sans elle, aucun des défis écologiques du XXI° siècle ne pourra être relevé.
Taipei, sept heures avant Paris !
Bonne année !


