Première lettre

Bonjour à tous,
Je suis arrivé début novembre en Chine. Voici une première lettre qui contextualise ce voyage et livre de premières impressions.  
Bonne lecture ! 

Pourquoi Kunming ?

L’année dernière, je n’avais pas pu venir étudier le mandarin en Chine continental à cause de la fermeture du pays pendant la pandémie de Covid. J’étais alors allé à Taïwan (voir Impressions au Soleil levant – première lettre). Mais le pays a depuis levé ses restrictions.

Cet été, j’ai découvert un site d’enseignement du chinois dans lequel j’ai trouvé un tableau très bien conçu de lieux où l’on pouvait étudier le chinois : pour chaque ville, en effet, était indiqué la population, le coût de la vie, le niveau de pollution, le climat et des commentaires… Mon choix en fut diablement facilité : sur les 20 destinations possibles, il n’y en avait que quatre sans pollution (dont Taïwan) et une seule avec un climat agréable toute l’année. C’était Kunming !

10-1 a Provinces Chinoises
Les Provinces chinoises

Kunming est la capitale du Yunnan (« au sud des nuages »), une province du sud ouest de la Chine, frontalière du Tibet au nord, de la Birmanie à l’ouest, du Laos et du Vietnam au sud. Cette région s’appuie sur les contreforts de l’Himalaya – son sommet pointe à plus de 6000 mètres – et baigne ses pieds dans les forêts tropicales du sud.

Kunming est appelé en Chine « la cité de l’éternel Printemps ». Actuellement, la température est d’une constance qui frise à l’obstination : il fait 24° l’après-midi et 13 ° la nuit. Les jours de pluie sont parait-il plus frisquets, mais je n’en ai connus qu’un seul, sous un beau soleil qui plus est.

10-1 b Carte-Yunnan-ChineR
Le Yunnan

Mais le Yunnan a d’autres atouts à faire valoir. Notamment, on y trouve des sites naturels de toutes beautés et des villes et villages peuplés d’ethnies à l’histoire et aux traditions différentes de celles des Hans (les Chinois).

J’en rendrai compte dans d’autres lettres.

Loin de l’aventure

Si j’ai toujours préféré voyager en dehors des sentiers battus, l’âge venant j’y ajoute quelques éléments de confort. Bien m’en a pris d’ailleurs, car je me suis trouvé dès mon arrivée dans des situations que je n’aurais pas su démêler seul. La Chine, pour un voyageur non sinophone, est semé d’embuches.

A Kunming, il y avait deux possibilités de lieux d’apprentissage du mandarin. Ne sachant lequel choisir, j’ai téléphoné à Alex, le concepteur du tableau des sites d’enseignement. Il m’a conseillé Keats, une école privée plutôt que l’Université. Il avait lui-même, quelques années auparavant, commencé là à apprendre le chinois car il avait trouvé pratique leur proposition d’hébergement et de pension complète.

Cela m’a convaincu. J’ai fait comme lui. Loin de l’aventure donc.

Cliquer sur la première image pour l’agrandir, puis faire défiler : ma chambre, vue depuis ma chambre

 

La chambre est petite mais fonctionnelle, avec de nombreux rangements, une douche, des WC et un lavabo, l’accès à une laverie collective.

Soirée festive à Keats : diner de spécialités chinoises et étrangères, concert de cithare chinoise

Le bâtiment est situé dans le centre ville. Il a une vingtaine d’étages dont quelques uns sont occupés par l’école (salles de cours, de gymnastique, restauration, bibliothèque, chambres…). 

Mais où est passé mon VPN ?

Avant mon départ, mon interlocutrice à Keats m’avait prévenu : « n’oubliez pas d’équiper votre ordinateur et votre téléphone d’un VPN [1] si vous voulez pouvoir communiquer avec vos proches quand vous serez en Chine ». Le Guide du Routard le disait aussi et précisait : Les VPN sont interdits en Chine, mais « il existe officieusement un seuil de tolérance pour les touristes ».

Malheureusement, celui que j’utilise depuis plusieurs années et qui fonctionnait très bien partout où j’allais, ici ne marchait pas. J’ai donc pendant trois jours pu constater tout ce à quoi je n’avais plus accès : Le Monde, Google Maps, Chat GPT, Instagram, les recherches sur internet, etc. En gros, il ne me restait plus que Whatsapp (sans les photos) et les mels. Je ne pouvais pas non plus accéder à mon fournisseur de blogue et je n’aurais donc pas pu poster de lettres sur le Carnet de voyage que j’avais mis au point avant mon départ.

L’inconvénient de ce non accès aux ressources numériques internationales, s’il est particulièrement brutal et saisissant pour les étrangers, l’est moins pour les Chinois car ils disposent, dans leur propre langue, de toutes les applications et sites utiles pour leur vie quotidienne. Tous les GAFA ont leur équivalent chinois, parfois en mieux. On peut avec son téléphone ou son ordinateur, réserver un train ou un avion, faire des achats en ligne (淘宝, Táo bǎo), trouver son chemin (高德地图, Gāodé dìtú) communiquer avec des amis (微信 Weixin, alias Wechat), payer ses achats (支付宝, Zhīfùbǎo alias Alipay), etc. C’est ce protectionnisme qui d’ailleurs leur a permis de développer tous ces outils, sans être envahis par les rapaces étrangers. En revanche, les conséquences de cet isolement ne s’arrêtent pas à l’économie, mais portent aussi sur la vie publique, la communication, l’information, etc.

Heureusement, j’ai pu bénéficier d’une main experte qui m’a permis d’installer sur place un VPN qui marche et m’a rouvert, à partir de Hong Kong, toutes les portes qui s’étaient brutalement fermées.

Cette même main – évidemment très populaire auprès des étudiants ! – m’a également aidé à réaliser deux autres conditions de l’autonomie d’un voyageur en Chine : acheter une carte SIM locale et ouvrir un compte bancaire chinois. La carte locale permet d’avoir accès à Internet à tout moment et partout à des prix défiants toute concurrence (4 € par mois pour 10 GB). Le second permet de virer de l’argent sur des applications et de pouvoir ainsi payer ses achats avec son téléphone comme le font les Chinois.

Des voyages suivis de près

Lorsque je suis arrivé à Keats, il m’a été demandé une photo d’identité et mon passeport. Le lendemain, on m’a rendu mon passeport et remis un certificat d’enregistrement de résidence qui ressemble à ça.

10-4 Enregistrement residenceJ’ai ainsi appris que les étrangers peuvent voyager librement en Chine, mais qu’ils doivent signaler leur présence lors de leurs déplacements auprès de la Police locale (note n°3). Comme il leur serait bien difficile de le faire eux-mêmes, ce sont leurs logeurs qui le font à leur place…

Impression du Ciel

Que valent ces impressions premières ? Peut être pas grand-chose, mais ce serait dommage de les ignorer car elles ne reviendront plus. Il sera toujours temps de les corriger si elles le méritent.

                        Ici, le brouillard broie le territoire

                        Au-dessus des nuages, un ciel bleu.

                        Désormais, est-ce seulement

                        Dans l’azur que l’homme rencontre la lumière ?

   En modeste hommage aux 19 poèmes anciens [2]

Un centre ville tout neuf ?

J’ai eu la bonne idée d’apporter dans mes bagages un mal de gorge attrapé la veille de mon départ. Il est en train de descendre dans les poumons et de se manifester en toux pénibles et répétitives. Ne débordant pas d’énergie, je me suis contenté les premiers jours de me promener dans un rayon d’un kilomètre autour de ma chambre.

Voilà quelques images de mon environnement immédiat.

La construction a été un des fers de lance du développement économique de la Chine. Cela se voit dans le centre ville de Kunming. On n’y voit plus guère que des grattes ciel récents.

Il reste toutefois quelques bâtiments plus anciens dans des allées. Ce ne sont toutefois pas des habitats traditionnels.

Je vais essayer de trouver des photos de ce même centre ville au milieu du XX° siècle, pour prendre la mesure du chantier.

La pédagogie en marchant

Les étudiants ici suivent des cours individuels. Dioni, une Australienne d’origine chinoise, et moi sommes une exception. Nous nous sommes inscris à un cours collectif dans lequel finalement nous ne sommes que deux.

史 Shǐ, notre professeur est une jeune femme virevoltante, s’amusant de tout et très attentionnée. Sa pédagogie est surprenante mais très efficace. A l’Université Fujen de Taïpei, les différents types d’exercice défilaient avec rigueur (Voir Impressions au Soleil levant – Lettre 6) dans un cadre temporel précis, toujours ajusté. Shǐ, elle, suit un vague fil rouge, celui du manuel officiel de l’Institut Confucius [3], mais passe beaucoup plus de temps à solliciter notre expression orale, à nous expliquer à partir de là comment en faire une vraie phrase chinoise et à répondre à toutes nos questions, y compris les plus baroques. Du coup, ses cours sont très vivants. Dioni et moi n’hésitons pas à nous lancer dans des phrases complexes sans crainte de ne pas savoir comment en sortir. Elle est là pour nous les remettre à l’endroit et avec les bons tons.

Le vendredi après midi, à la place du cours en salle, elle nous a proposé d’aller ensemble dans une rue commerçante du centre ville et de visiter le musée du thé. Une manière très efficace d’apprendre à circuler en métro, dans les rues, à lire les pancartes, à commander trois verres de thé aux perles de lait…

10-7 a Dégustation de thé aux perles de laitA
Dégustation de thé aux perles de lait. Shǐ est au milieu, Dioni à droite
10-7 d Devant le musée du théR
Devant le Musée du thé

En attendant les filles, à la sortie du Musée, je me suis approché de cette vieille charrette et de l’homme au polo rouge qui tenait un harmonica. Je lui trouvais une bonne tête, sympathique. Il devait en être de même pour lui. On a essayé de communiquer, mais ce fut très imparfait. Shǐ nous a alors rejoints ; ça a facilité le dialogue. Il a proposé qu’on soit pris ensemble en photo. Un petit attroupement s’est créé autour de nous, et une femme s’est insérée dans le projet quand elle a appris que j’étais Français parce que sa fille travaille dans une entreprise française ?!

A bientôt !

 

[1] VPN, c’est l’acronyme anglais d’un « réseau virtuel privé ». En passant par lui, vous pouvez choisir un serveur dans un pays dans lequel vous n’êtes pas mais qui fait croire que vous y êtes. Ne me demandez pas pourquoi ni comment ! C’est comme ça que l’année dernière j’ai pu suivre pendant la Coupe du Monde les matches de l’équipe de France diffusé par TF1 alors que de Taïwan, où j’habitais alors, l’accès aux chaines françaises m’était refusé.

[2] Ces poèmes anonymes ont été probablement rédigés pendant la dynastie Han (206 avant JC – 220 après JC). Ils sont à l’origine de la poésie classique et sont depuis lors admirés des lettrés Chinois pour leur charme inépuisable. J’en ai apporté avec moi une belle édition dont je reparlerai.

[3] L’Institut Confucius est l’institution officielle chargée de promouvoir la langue et la culture chinoise dans le monde, comme le font l’Alliance Française pour le français, le British Institute pour l’anglais ou le Goethe Institut pour l’allemand.

Les tests d’évaluation du chinois vont de HSK1 à HSK6. HSK 3 permet de se débrouiller dans la vie quotidienne, pour des échanges simples. C’est à peu près mon niveau, à l’écrit tout du moins. HSK4 est requis des étudiants étrangers pour suivre des cours dans une Université Chinoise. HSK6 signifie une excellente maîtrise de la langue orale et écrite, supérieure à celle de nombreux natifs Chinois.

6 réflexions sur “Première lettre”

  1. daniel Loriot

    Bonjour Michel, merci pour ce carnet de voyage, si vivant qui nous promène au cœur des découvertes de l’éternel étudiant que nous rêvons de demeurer…
    Tes réflexions et décisions pour organiser tes voyages en Chine surpassent tous les guides.
    A bientôt de te relire. Daniel

  2. daniel Loriot

    Bonjour Michel, merci pour ce carnet de voyage, si vivant qui nous promène au cœur des découvertes de l’éternel étudiant que nous rêvons de demeurer…
    Tes réflexions et décisions pour organiser tes voyages en Chine surpassent tous les guides.
    A bientôt de te relire. Daniel

  3. daniel Loriot

    Bonjour Michel, merci pour ce carnet de voyage, si vivant qui nous promène au cœur des découvertes de l’éternel étudiant que nous rêvons de demeurer…
    Tes réflexions et décisions pour organiser tes voyages en Chine surpassent tous les guides.
    A bientôt de te relire. Daniel

  4. Henri Fanchini

    Salut Michel. Impressionné par ta rapidité d’acclimatation. Merci pour ces premières impressions hors des sentiers battus. Tu es nôtre éclaireur, nous serons les voyageurs sédentaires (gagnant-gagnants pour les émissions carbone). Au plaisir de te lire. Henri

  5. Henri Fanchini

    Salut Michel. Impressionné par ta rapidité d’acclimatation. Merci pour ces premières impressions hors des sentiers battus. Tu es nôtre éclaireur, nous serons les voyageurs sédentaires (gagnant-gagnants pour les émissions carbone). Au plaisir de te lire. Henri

  6. Henri Fanchini

    Salut Michel. Impressionné par ta rapidité d’acclimatation. Merci pour ces premières impressions hors des sentiers battus. Tu es nôtre éclaireur, nous serons les voyageurs sédentaires (gagnant-gagnants pour les émissions carbone). Au plaisir de te lire. Henri

  7. Bonjour Michel, c’est Matisse le fils de Pierre, lui même fils de Christian et Chantal (mais là je pense que je te t’apprend rien)
    J’ai beaucoup apprécié lire ta nouvelle et suis très admiratif de ta volonté d’apprendre et de découvrir.
    J’espère partager ta vivacité au même âge.
    Je lirai évidement la prochaine note.
    Merci pour ce voyage.

  8. Bonjour Michel, c’est Matisse le fils de Pierre, lui même fils de Christian et Chantal (mais là je pense que je te t’apprend rien)
    J’ai beaucoup apprécié lire ta nouvelle et suis très admiratif de ta volonté d’apprendre et de découvrir.
    J’espère partager ta vivacité au même âge.
    Je lirai évidement la prochaine note.
    Merci pour ce voyage.

  9. Bonjour Michel, c’est Matisse le fils de Pierre, lui même fils de Christian et Chantal (mais là je pense que je te t’apprend rien)
    J’ai beaucoup apprécié lire ta nouvelle et suis très admiratif de ta volonté d’apprendre et de découvrir.
    J’espère partager ta vivacité au même âge.
    Je lirai évidement la prochaine note.
    Merci pour ce voyage.

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